Vous envisagez de reprendre une entreprise pour débuter ou élargir votre activité ? Vous voulez identifier les étapes à suivre, les démarches à effectuer et les précautions à prendre avant de vous lancer ? Pour conduire avec succès ce projet de reprise, nos experts vous confient les phases à suivre, les bonnes pratiques, et les points à ne pas négliger.
Poser les bases de votre projet
Avant de partir à l’affût des premières entreprises sur le marché, il peut être utile de poser les grandes lignes de votre projet. A l’aide d’une fiche de cadrage, vous pouvez ainsi faire le point du ou des secteurs d’activité qui vous intéressent pour cette reprise, de la zone géographique envisagée, de l’enveloppe budgétaire que vous pourriez allouer, des fonds disponibles, de vos domaines de compétences, de vos contraintes personnelles, de vos priorités… Une étude de marché peut, dès cette étape, vous permettre d’analyser la réalité d’un marché et d’ajuster votre projet.
Trouver votre cible
Vous avez acté les caractéristiques de l’entreprise ciblée ? Que vous ayez ou pas déjà une affaire, vous avez peut-être autour de vous des contacts qui souhaiteraient vendre la leur, une connaissance, un client, un fournisseur, voire un concurrent… Cette opportunité de vous lancer ou d’élargir vos parts de marché n’est pas à négliger, même si elle doit faire l’objet d’une solide analyse quant à la stratégie, la situation financière et le positionnement de la structure à racheter. Cette piste peut toutefois servir vos intérêts si elle est bien préparée. La pertinence du projet et ses avantages pour votre entreprise sont bien évidemment à étudier.
Vous ne savez pas où cherchez, comment vous organiser ? Les chambres consulaires, des avocats d’affaires peuvent vous accompagner dans vos recherches. L’appui de cabinets spécialisés peut également vous permettre de gagner en temps et en efficacité, et d’optimiser les conditions de l’opération de cession. Ces entités se distinguent par l’accompagnement qu’elles proposent, en fonction du secteur d’activité et de la valeur de l’entreprise à racheter.
Organiser le rachat d'une entreprise
Vous avez pu consulter l’ensemble des données financières de l’entreprise que vous souhaitez reprendre ? Vous avez réalisé de premiers diagnostics ? Vous avez eu l’occasion de rencontrer le cédant ? Vous êtes prêt(e) à vous engager ?
La suite des événements ne sera pas la même que vous achetiez un fonds de commerce ou les parts d’une entreprise.
- L’achat d’un fonds de commerce
Un fonds de commerce comprend l’ensemble des biens affectés à l’exercice d’une activité commerciale. En achetant un fonds, vous en acquérez la clientèle, le nom commercial et l’enseigne, les matériels et le mobilier commercial, le droit au bail, l’ensemble des contrats nécessaires à l’exploitation du fonds, et les différents documents professionnels pouvant s’y rattacher. En fonction de l’activité, d’autres éléments peuvent constituer le fonds : les droits sur un brevet, une marque, des logiciels, des dessins et modèles, le droit d’usage du site internet et de l’adresse de messagerie (sous réserve de l’autorisation de l’opérateur), ainsi que la licence IV. Le stock, qu’il est nécessaire d’évaluer et de négocier lors du rachat, peut être intégré en tout ou partie à la vente du fonds.
Si certains des contrats fournisseurs peuvent faire l’objet de la cession, les contrats de travail et le bail y sont impérativement inclus. Les éventuelles dettes ne sont, quant à elles, pas cédées.
Pour conclure la cession d’un fonds, un compromis de vente peut être suffisant. Le prix indiqué sur le document sera généralement celui que vous paierez. Un ajustement pourra être opéré sur la valeur du stock, ou par exemple, en cas de baisse du chiffre d’affaires, si le compromis en a fait mention.
Des conditions suspensives non négligeables peuvent être insérées au compromis : conditions suspensives de prêt, absence d’exercice du droit de préemption de la part des collectivités locales, obtention d’un certificat d’urbanisme ne révélant pas que les servitudes d'urbanisme ou de voirie empêchent l'exploitation du fonds… Au regard des spécificités du fonds vendu, des conditions suspensives complémentaires peuvent être négociées : obtention d’un agrément par un tiers (bailleur, franchiseur, autorités administratives…), renouvellement ou la signature d’un bail commercial, vérification de la validité de la licence IV…
En fonction de la nature de l’activité, de vos moyens financiers et de vos choix de fiscalité, vous pourrez être amené(e) à poursuivre l’activité dans le cadre d’une entreprise individuelle, ou via la création d’une société (SARL, EURL, SAS, SASU, SNC, SEL…).
L’acte de vente finalise la cession, qui devra donner lieu à la publication d’une annonce légale 15 jours après la signature de la vente.
- L’achat de parts sociales ou d’actions d’une entreprise
En faisant l’achat de parts sociales ou d’actions d’une entreprise, vous allez acquérir le fonds (soit une partie de l’actif) mais également les dettes. En effet, dans ce cas, l’actif de l’entreprise, comme son passif sont cédés. Les engagements contractés par le vendeur sont, de fait, transposés à l’acquéreur.
La réalisation d’une lettre d’intention vient formaliser votre engagement. Celle-ci pose les principaux termes et conditions de l’acquisition, la fourchette de prix, la garantie d’actif et de passif, la base des hypothèses d’acquisition, les différentes conditions suspensives (financement, lettre d’information des salariés…), la période d’accompagnement, l’obligation de non-concurrence, l’obligation d’exclusivité, notamment. Le prix est déterminé en fonction du bilan à un instant T. Il est le plus souvent provisoire, et fera souvent l’objet d’une révision au regard d’un bilan ou d’une situation en forme de bilan établi au jour de la cession. Le prix définitif est généralement confirmé 3 à 6 mois après l’acte.
Si la lettre d’intention formalise le lancement du processus de reprise, les audits vont permettre de confirmer la valeur de la structure et la véracité des données à votre disposition. Audit financier et comptable, audit fiscal, audit social et juridique peuvent ainsi être réalisés, avec l’appui d’un expert-comptable et d’un avocat d’affaires spécialisé.
Place ensuite à l’élaboration des prévisionnels de la société d’exploitation et de la holding de reprise, au regard des hypothèses d’activité, de charges et d’investissements. Ces prévisionnels rassemblent pour chaque structure un compte de résultat et un bilan prévisionnel, le plan de financement de la reprise, un tableau de trésorerie prévisionnel… Complétés du protocole de cession, confirmant les termes de la lettre d’intention ajustés de dispositions faisant suite aux audits, ces prévisionnels vous permettront de présenter votre projet aux organismes de prêt.
A noter : la GAP (Garantie d’actif et de passif), insérée au protocole de cession, engage le vendeur à vous indemniser si le passif de l’entreprise venait à augmenter, ou l’actif diminuer postérieurement à la vente, ou sur la période pendant laquelle le vendeur exploite encore la structure avant le rachat définitif. La GAP contient notamment le plafond de la garantie, sa durée d’application, un montant de franchise ou un seuil de déclenchement, le calcul de l’indemnité, les modalités de mise en œuvre, une garantie de la garantie…
Au feu vert du financement, la société holding, qui viendra racheter les parts sociales ou les actions, peut être créée et immatriculée.
- Certaines activités nécessitent l’obtention d’une autorisation, d’agréments, de diplômes ou de licences. Il convient donc, avant tout engagement, de vous assurer de disposer de l’ensemble des qualifications nécessaires à la poursuite de l’activité, ou de pouvoir les acquérir.
- Reprendre une entreprise, c’est également reprendre ses salariés. Ils auront, pour certains, besoin d’être rassurés. Dès les premières semaines de la reprise, n’hésitez pas à les rencontrer pour vous présenter et exposer votre projet. Cette démarche vous permettra également de vérifier la présence d’un éventuel homme clé, s’il n’avait pas été auparavant identifié, afin de pouvoir rapidement faire le point des risques de dépendance et des actions à mener.
- Les clients doivent être également rassurés. La reprise peut, en effet, provoquer une perte de clientèle, du fait des relations établies avec le cédant par le passé, des conditions de paiement auparavant accordées… Cette même attention doit également être portée aux fournisseurs, notamment lorsque l’activité dépend de ces partenaires.
- Il ne faut pas négliger la phase d’audit préalable à la cession de l’entreprise. L’analyse du bail, des commandes en cours, du stock, des contrats de travail, des statuts de la société… peut révéler des fragilités, une organisation défaillante, des matériels à déprécier…Cette démarche peut conduire à reconsidérer l’intérêt de l’entreprise, ou à en ajuster le prix d’achat.
- Un relâchement commercial peut intervenir, alors que les premières démarches de la cession sont engagées. Le chiffre d’affaires peut en être alors affecté. Un suivi des opérations de vente peut être mis en place ; le cédant s’engageant à fournir des attestations confirmant le chiffre d’affaires de la structure pendant la période charnière d’avant cession définitive.
- Si un prêt bancaire est quasiment systématique lors de la reprise d’une entreprise, le crédit vendeur entreprise peut avantageusement en permettre le financement. Dans ce cadre, le vendeur cède son bien contre le paiement immédiat d’une partie du montant de la cession et l'étalement du reste jusqu'au règlement du solde. Ce dispositif, qui peut concerner tant l’achat de fonds de commerce que de parts sociales ou d’actions rassure les banques. Si le vendeur fait crédit à l’acheteur, c’est qu’il croit au projet de ce dernier. Le financement bancaire, complémentaire à cette action, est donc facilité.
- La lettre d’intention, comme le protocole précisent généralement la période au cours de laquelle le cédant accompagne l’acheteur. Sa durée varie de 3 à 6 mois pour l’achat d’actions ou de parts sociales. Pour l’achat d’un fonds, elle est généralement réduite à une quinzaine de jours. Bien entendu, il est possible de négocier cette durée, stratégique pour effectuer dans de bonnes conditions, la passation.
- Le montage juridique et financier associé à la cession d’une entreprise n’est pas sans incidence sur le régime fiscal de l’acquéreur, comme du cédant. En fonction des impératifs de chacun, des choix devront être opérés. En amont du rachat, la transformation de la société d’exploitation en SAS peut être, par exemple, l’opportunité d’un régime fiscal avantageux pour l’acquéreur. Un conseil adapté peut être utile pour limiter l’impact fiscal de cette opération.
- Comme pour les projets de création d’entreprise, des aides financières, sociales, fiscales, à l’innovation sont ouvertes aux repreneurs. Des mesures d’aide spécifiques (en fonction de l’activité de l’entreprise, par exemple le prêt minotier dans le secteur de la boulangerie-pâtisserie) peuvent également être allouées.
Thomas Legay
Chargé d’accompagnement des créateurs et repreneurs d’entreprise
thomas.legay@bakertilly.fr
Nathalie Bourdeau
Avocate - Oratio Avocats
n.bourdeau@oratio-avocats.com